ambition by Inconnu(e)

ambition by Inconnu(e)

Auteur:Inconnu(e) [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2011-10-16T22:04:09+00:00


VII

Dans cette phase cruciale de son mirifique projet, Ben Kadem, le Premier ministre de l’émirat, se sentait en proie à une solitude particulièrement éprouvante. Les éléments qu’il avait mis en branle pour susciter cette violence tentatrice qui devait enflammer toute la péninsule lui semblaient trop lents à se concrétiser, à prendre cette forme crédible et inquiétante qui fait trembler les nantis. Il n’arrivait pas à maîtriser son impatience, sachant que la moindre indiscrétion sur son rôle occulte dans cette violence froidement préméditée pouvait tout anéantir et briser pour toujours son rêve de domination. Longtemps, son désir d’abattre les régimes abâtardis de ses voisins et de chasser l’ignoble puissance impérialiste incrustée dans cette terre arabe grâce à des potentats avilis par l’argent était resté un souhait insensé et matériellement irréalisable. Ces infidèles, aussi impudents que cupides, et dont la seule vue exacerbait son nationalisme, avaient été durant toutes ces années l’obstacle majeur à tout essai de conquête politique ou militaire. La pauvreté du royaume était telle que son existence même semblait relever d’une géographie mythique. Dans l’immense clameur de la presse mondiale subjuguée par le phénoménal trésor enfoui sous les sables de zones désertiques échappant à son contrôle, la voix de Ben Kadem n’avait aucune chance de se faire entendre ; il était condamné au silence résigné de l’indigent dans une assemblée de riches seigneurs. Puis, un jour, l’idée géniale, celle qui sauve parfois un homme du déshonneur, lui était venue ; une idée très simple et cependant issue d’un raisonnement pervers. À force de discuter pendant des nuits entières avec son jeune parent Samantar (cet esprit foncièrement contestataire, mais pour qui l’action était une chose dérisoire), il avait fini par admettre que seule une révolution populaire, par l’impact qu’elle aurait dans les autres États du golfe, parviendrait à remuer ces masses amorphes et ferait éclater cet ordre granitique qui s’opposait à son ambition. Cette arme suprême des pauvres lui apparut comme un don de la providence à la pureté de son idéal patriotique. Sous son impulsion, elle prendrait son essor d’abord à Dofa, ensuite elle s’étendrait, par un réflexe courant de mimétisme, à toute la péninsule. Il ordonnerait tous les rouages de cette effervescence revendicatrice jusqu’à la victoire finale qui serait aussi sa propre victoire.

C’était lui qui avait imaginé ces attentats fictifs qui depuis quelques semaines faisaient résonner dans l’air limpide de Dofa le signal d’une ère nouvelle. Selon sa croyance, ces actes de vandalisme n’allaient pas tarder de propager le venin révolutionnaire dans le sang de tous les peuples de la région. Il avait tout calculé avant de se résoudre à cette incroyable gageure. Malgré son poste éminent et son alliance avec la famille régnante, Ben Kadem ne possédait qu’un modeste patrimoine. Les caisses de l’État étant en perpétuelle dégradation, il considérait sa fonction comme purement honorifique et ne touchait jamais son traitement de ministre. Pour commanditer une entreprise aussi hasardeuse, il avait puisé dans ses maigres ressources avec la conviction que dans l’avenir la révolution se nourrirait elle-même, en mettant à contribution la solidarité internationale.



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